L’innovation sociale au service des territoires de montagne
L’innovation sociale est un terme récurrent dans le milieu associatif, dans les publications LinkedIn, dans les appels à projets nationaux - et que différents types de structures s’approprient de plus en plus ces dernières années. En 2017, CIPRA s’était déjà intéressée au sujet et avait émis le souhait de l’intégrer dans ces projets. 7 ans plus tard, où en est l’innovation sociale dans les Alpes ? Savons-nous vraiment de quoi il s’agit ? Le terme a-t-il été banalisé ? Comment peut-on l’intégrer à nos pratiques ?
Dans le contexte actuel de défis écologiques, sociétaux et politiques auxquels le territoire alpin fait face, les réponses technologiques ne sont pas suffisantes. Il est nécessaire de repenser la manière dont nos sociétés fonctionnent, et notre système dans son ensemble. L’innovation sociale est une alternative capable d’impulser des changements locaux profonds dans la trajectoire empruntée par les territoires.
De mars à juin 2024, CIPRA France s’est interrogée sur l’innovation sociale dans les Alpes françaises, et sur la manière dont elle pouvait s’en (re)saisir en tant qu’organisation faîtière.
Qu’est-ce que l’innovation sociale ?
Le terme “innovation” signifie “nouveau” en latin, il est utilisé dans les secteurs médical, technologique, ou encore commercial où l’objectif est de répondre de manière plus efficace à un enjeu initial. L’innovation sociale ne répond pas à un besoin d’efficicence mais à des besoins vitaux (se loger, se nourrir), psychologiques (un environnement stable à l’abri des agressions humaines et environnementales) ou sociaux (se sentir estimé, faire parti d’un groupe). En incluant les citoyens, les acteurs socio-économiques et/ou les autorités locales, les pratiques sociales tentent d’être reconfigurées en repensant les modes de gouvernance et en proposant des initiatives ascendantes.
En d’autres mots, l’innovation sociale émane de la société civile dans un objectif de répondre à des besoins sociaux (isolement social, fracture numérique) ou sociétaux (impacts du changement climatique), notamment par la reconfiguration des rapports sociaux.
Quelles spécificités des Alpes ?
Les territoires ruraux et de montagne se distinguent par des caractéristiques géographiques, économiques et socioculturelles propres. Ce sont des régions souvent enclavées et marginalisées, avec des reliefs accidentés et des altitudes élevées rendant l'accessibilité difficile. Les villes qui s’y trouvent sont donc souvent peu ou mal desservies. De plus, elles sont marquées par une population décroissante et une faible densité d'habitation, malgré un prix de l’immobilier moindre, accentuant leur caractère très rural. Les impacts du changement climatique se font particulièrement sentir dans ces zones à proximité immédiate de la nature, affectant les activités traditionnelles telles que l'agriculture et le pastoralisme. Quant aux Alpes, de la station de ski dépendante des centralités, aux ruralités autonomes, elles regorgent d’une richesse de typologie de territoire et est particulièrement hétérogène.
Les territoires marginalisés connaissent un manque de services et d’infrastructures plus importants par rapport au milieu urbain. La faible présence de l'État et des institutions sur ces territoires incite les citoyen·ne·s à s’organiser davantage entre eux, et leur permet d’être plus créatifs. Certaines personnes particulièrement motrices dans le processus d’innovation sont appelées “changemakers”, elles impulsent des changements et sont parfois suivies par d’autres, donnant d’autant plus de poids à l’action.
Quel futur souhaité pour les innovations sociales ?
Afin que les innovations sociales persistent dans le temps, leur cycle de vie a été observé et synthétisé. les initiatives naissent, se multiplient (par essaimage ou effet tâche d’huile) puis se stabilisent par une validation ou un soutien des pouvoirs en place ou des locaux. Au moment où elles sont suffisamment nombreuses et organisées, elles sont en capacité de bousculer le modèle dominant. A un moment donné, cela nécessite une forme de convergence entre les petites initiatives (par filiation, localisation, ou par association) pour percer et se pérenniser.
Aujourd’hui les initiatives d’innovation sociales sont assez nombreuses, la plateforme TransforMont portée par le Labex ITTEM et coordonnée par Jean-Baptiste Grison et Kirsten Koop, recense actuellement 407 “innovations sociales pour la transition des territoires de montagne” en Auvergne-Rhône-Alpes.
L’objectif premier réside donc dans la mise en lien de ces initatives et des acteurs qui les portent afin de diffuser connaissances et compétences pour sensibiliser à la thématique et permettre à d’autres de s’en saisir.
Le second objectif est d’intégrer l’innovation sociale à ses pratiques en réinterrogeant les objectifs de ses projets, l’organisation de ses réunions et son mode de gouvernance par exemple.
Le dernier objectif, plus global, est d’adapter les financements ou les processus d’évaluation aux méthodes expérimentales qui nécessitent des ajustements au cours du projet et des temporalités plus longues.
>> Pour en savoir +, retrouvez le rapport complet et la synthèse des recherches menées par CIPRA France sur l’innovation sociale.